Sabah, Commentaire
Sabah: A Love Story (2005), un des 17 films écrits et dirigés par RubbaNadda, est une comédie romantique qui traite d’un problème important auquel est confrontée la plupart de la deuxième génération d’immigrants musulmans : comment respecter les valeurs familiales traditionnelles, tout en s'insérant dans la nouvelle culture. Nadda sait que ces jours-ci, les filles canadiennes nées de parents musulmans vont probablement sinon plus probablement que leur parents du sexe masculin se révolter contre les limites imposées à leur liberté physique et sociale. Les filles ont simplement moins à perdre si l’ancien ordre change, parce qu’il leur accorde moins de pouvoir qu’à leurs frères.
Sabah, (ArsinéeKhanjian), la fille de la maison, âgée de 40 ans, non mariée, est justement en train d’apprendre cette leçon. Sa mère veuve, (SettaKeshishian), son jeune frère, Majid (Jeff Seymour), sa belle-soeur, Amal (Kathryn Winslow) et sa sœur Shaheera (Roula Said), tous attendent de Sabbah qu’elle reste à la maison et s’occupe de leur mère. Ils ne veulent pas qu’elle fasse quoi que ce soit d’autre, parce qu’alors, Mère deviendrait leur responsabilité.
Le film s’ouvre sur une célébration du quarantième anniversaire de Sabah, à la maison avec la famille. Dès qu’elles reviennent de la rue, Sabah et les autres femmes enlèvent leurs foulards et leurs manteaux ternes pour révéler la beauté de leurs cheveux joliment coiffés et leurs vêtements ajustés à leurs formes. Elles exécutent une danse provocante qui suscite des tempêtes d’applaudissements et de rires. Il est évident qu’il y a une règle pour le monde extérieur et une autre pour la famille. Cette disparité entre comportement public et privé, traditionnel et moderne est assumée par les femmes. Elles connaissent les règles et s’en moquent continuellement ce qui leur donne un sentiment de pouvoir individuel et collectif
En guise de cadeau (même si les Arabes ne donnent pas de cadeau d’anniversaire), Majid donne à Sabah une photographie d’elle quand elle était petite, debout au bordde la mer; elle est en maillot de bain. Sabah remarque qu’elle ne se souvient pas de la dernière fois où elle est allée nager. Majid réplique que les bonnes femmes musulmanes ne se permettent pas d’être ‘nues’. Sa mère présente à Sabah un aspirateur. A la vue de la photo de son père, Sabah se souvient comme tous deux s’amusaient quand il était vivant et comme la vie, sous l’autorité de son frère, n’est pas drôle du tout.
Malheureusement, Majid est devenu le despote que n’était jamais son père : dans ses efforts de règlementer la vie de tous, il recherche activement un mari convenable pour sa nièce Souhaire (FadiaNadda). Souhaire est la troisième génération et n’est pas prête à accepter un mariage arrangé. Elle fait tout son possible pour éviter ce qu’elle considèrela perte ultime de pouvoir, en allant jusqu’à s’habiller des pieds à la tête dans le vêtement noir le plus traditionnel qu’elle peut trouver le jour où ce Mustafa (David Alpay) vient rencontrer la famille. Souhaire ressort tous les stéréotypes de la religiosité fanatique pour briser l’idée de Mustafa de l’épouser. Cela inclut s’agenouiller en prière tandis que tous les autres boivent du thé. Mustafa, un jeune universitaire se retire, confus. Furieux, Mustafa dit à sa nièce qu’elle tombera amoureuse de la personne qui a été choisie pour elle, et que si elle n’épouse pas Mustafa, elle ne fera plus partie de la famille.
Aucune des femmes de la famille ne travaille hors dela maison. Majid qui a pris en mains l’entreprise familiale d’antiquaire après la mort de leur père, s’est aussi emparé de son rôle de patriarche. Il contrôle tout leur argent; il demande même à Sabah des comptes pour toutes les dépenses qu’elle fait. Il est clair qu’elle en a assez et commence une série de subterfuges. Son histoire est sous forme de narrationde l’évolution d’une femme d’âge moyen, qui se libère de son frère et des attentes de sa famille, ainsi que des limites racistes de sa religion et de sa culture. Ce type de narration a gagné de plus en plus de terrain, au moins depuis la performance gagnante de BAFTA de Pauline Collin dans Shirley Valentine (1989) et Bread and Tulips (2000), hautement acclamé, qui a gagné 23 prix à travers l’Europe. Les conventions de ce genre sont normalement centrées sur une épouse ou une mère qui en a assez d’être prise pour acquise et qui simplement quitte la famille à la recherche de sa propre identité. Dans Sabah, le principal personnage à pour fardeau supplémentaire de frayer son propre chemin à travers les proscriptions culturelles concernant ce que les bonnes femmes arabes devraient et ne devraient pas faire.
Les histoires de passage à maturité pour les enfants et les jeunes ont toujours impliqué un personnage qui a un rôle de guide, un adulte amical qui est proche, mais qui ne gêne pas, qui offre des conseils mais pas de restrictions. Ce personnage est soumis à une série de tests et d’épreuves. Chacun de ces événements changent le personnage jusqu’à un certain point. Il acquiert de la maturité, devient de plus en plus conscient de soi, plus assuré. Ces changements s’état sont souvent signalés par immersion dans l’eau ou par un changement de vêtements. Lorsque le personnage central est une femme adulte, il est souvent question d’un regain de liberté perdue à cause du mariage ou de la famille. De nombreuses femmes passent directement de la maison paternelle à une maison tenue par le mari, sans avoir la possibilité de faire leur propre expérience de la vie. Ces personnages peuvent se sentir étouffés ou perdus. Sabah ne réalise pas combien elle a perdu jusqu’au jour de son anniversaire. Le jour suivant, elle se rend dans un magasin, achète un maillot de bain très modeste et va dans une piscine publique. Elle a peur que quelqu’un la voie, mais elle aime sa nouvelle liberté.
Bien entendu, l’inévitable se produit, Sabah rencontre un hommeà la piscine : un divorcé, chrétien, un genre de charpentier. Quoi de pire. Ils s’engagent dans une tentative de relation. Elle ne peut pas imaginer laisser sa famille au courant de la situation; mais chaque jour elle se sert d’un autre subterfuge pour le rencontrer. Chaque fois que Stephen (Shawn Doyle) essaie de se rapprocher de Sabah, elle s’esquive. Il commence à la confronter, en lui disant qu’elle doit se décider sur ce qu’elle va faire; ces défis l’obligent à prendre des décisions et l’amènent irrévocablement à une confrontation avec sa famille, Finalement, elle décide de passer la nuit avec Stephen et affronte la musique le jour suivant.
A la fin, ce sont les femmes qui décident ce qui arrivera avec la famille. La mère de Sabah se rend dans l’atelier de Stephen pour le rencontrer Elle passe le seuil et regarde son projet actuel et remarque : «Qu’est-ce que qu’il y a avec toutes ces croix?» (il était en train de travailler sur une série de très grandes croix en bois grossièrement taillées). Aussi banal qu’il soit, ce commentaire brise les tensions culturelles et nous découvrons que Mère veut simplement que ses enfants soient heureux.
Bien que l’intrigue de Sabah soit prévisible,comme tout autre genre d’intrigue, ce film est admirablement tourné, il offre une belle bande sonore et une performance profondément engageante faite par ArsinéeKhanjian. Cette co-production du NFB et de CBC a été nommée pour deux Génies (pour le meilleur accomplissement en musique et meilleure performance par une actrice de rôle principal). Le film a été un grand succès auprès des auditoires à plus de 20 festivals internationaux, il a vendu à plus de 20 pays et a été joué dans les salles canadiennes pendant plus de 13 semaines consécutives.
Evelyn Ellerman