Sylvia Franck, 2ème partie: Rôle de l’Encyclopédie du film canadien

Interviewed by Evelyn Ellerman at Toronto International Film Festival Offices on Mars, 2012

Ellerman. Quel aspect de vos collections vous rend le plus fière? Si je devais me pencher sur une seule chose, que me diriez-vous de faire?

Frank. Hmmm. C’est difficile à dire. Je déteste jouer au favoritisme. Il y a tellement de bonnes collections. Je trouve que la collection Pickford a été une tellement bonne acquisition – le public n’en revenait pas. Et elle est tellement belle, en même temps. Mais il y en a d’autres qui sont tout aussi extraordinaires, la collection Atom Egoyan par exemple, qui suit son parcours personnel à partir de l’école secondaire. Nous disposons des pièces de théâtre qu’il a rédigées à l’école secondaire, de ses demandes de bourses; alors il s’agit d’une collection très rare montrant tout le cheminement d’un artiste canadien à partir de l’adolescence. Comme nous entretenons une relation avec lui, il continue à alimenter notre collection. Il serait très difficile de trouver ailleurs, dans un seul lieu, autant de documents sur un seul cinéaste. Cette collection est tout simplement unique, et l’on vient de partout dans le monde afin de la consulter.

E. Vous faites tellement de choses intéressantes ici, l’une desquelles est sans doute la rédaction de l’Encyclopédie du film canadien (Canadian Film Encyclopedia), un site Internet regorgeant d’informations : des résumés de films, des articles sur des films, etc. Parlez-moi de la genèse de ce projet, comment le projet a développé par la suite, et à quoi il ressemble.

F. Voilà en effet un projet très intéressant. C’était quelque chose que Piers Handling (le chef du TIFF) voulait entreprendre. Je me souviens d’en avoir discuté avec lui un jour. Tellement de gens travaillant dans le cinéma canadien lui avaient dit qu’ils cherchaient toujours des informations sur le cinéma canadien, alors que ces dernières étaient éparpillées un peu partout. C’était le cas à l’époque. Comme nous n’avions pas encore mis en ligne beaucoup d’informations, nous avons décidé d’établir une grande priorité, celle de rédiger une encyclopédie. Nous avons d’abord formé un comité consultatif, y nommant des gens extraordinaires comme Peter Morris et Peter Harcourt. Notre objectif était de rassembler toutes les informations sur un seul site, pour que le public puisse y avoir accès.

E. J'ai été surtout impressionnée par l’équilibre sur votre site entre les films anglophones et francophones. S’agit-il d’une décision délibérée?

F. Bien sûr. Le comité consultatif s’est beaucoup penché sur la question de contenus. Que devions-nous couvrir? Des gens passionnément intéressés par la cinématographie canadienne ont estimé que l’encyclopédie devait refléter l’ensemble du pays, les différentes langues. Je crois que les gens ont tendance à méconnaître la portée du cinéma canadien. Un autre problème potentiel résidait dans le fait que nous sommes basés à Toronto. Certains diraient que nous sommes même centrés sur Toronto. Nous étions conscients qu’une telle encyclopédie devait avoir une portée véritablement nationale, afin d’inclure l’ensemble de la cinématographie canadienne.

E. Les cinéastes canadiens ont commencé à s’investir davantage dans d’autres médias. Comme entendez-vous incorporer ces activités dans l’Encyclopédie du film?

F. Nous essayons, autant que possible, d’actualiser les infos en ligne, mais cela nécessite bien entendu une forte main-d’œuvre. Nous nous assurons que les 10 films canadiens plus importants chaque année sont inscrits sur le site; dans le cas de rétrospectives, nous mettons les infos à jour; lorsque le TIFF consacre un programme spécifique à un seul réalisateur, nous mettons à jour les infos le concernant. Alors nous avançons tranquillement. Lorsque nous disposons de beaucoup de ressources, nous nous concentrons dessus. Nous souhaiterions maintenir les informations à jour.

E. Comment entrevoyez-vous l’avenir de toutes ces démarches étroitement liées, de ces choses associées les unes avec les autres? Si vous vous trouviez devant une boule de cristal, qu’aimeriez-vous être en train de faire d’ici cinq ans?

F. Vous voulez dire en termes de l’Encyclopédie du film canadien?

E. Oui… L’Encyclopédie, la bibliothèque et les archives, qui sont des activités interreliées…

F. Je crois que la relation que nous entretenons avec l’Université Athabasca est primordiale; je crois que les visiteurs se rendant ici constateront à quel point le TIFF entretient des partenariats. Nous avons établi des partenariats sur les plans local, national et international. Cela reflète en quelque sorte notre philosophie. D’ici cinq ans, je crois que vous verrez davantage de ces partenariats. Je sais bien qu’il y a des jours où je rentre dans l’immeuble, et je m’étonne de voir tout ce qui s’y passe : il y a tellement d’activité, tellement d’organismes différents. Je crois que 10 autres festivals utilisent ce même immeuble. Imaginez les synergies. C’est fascinant. Et comme il y a de plus en plus de gens qui s’intéressent aux jeux vidéo, il est tout à fait normal pour la bibliothèque de s’y intéresser également. En fait, je crois qu’une fois que le TIFF entame une nouvelle orientation, la bibliothèque suivra forcément le courant. Il y a manifestement une volonté d’avoir une portée non seulement nationale, mais bien mondiale. Nous voulons nous assurer que le patrimoine du cinéma canadien ne se perd jamais. Au Canada, on n’a pas assez mis en valeur l’histoire cinématographique canadienne. Il faut combler cette lacune.