Richard Paradis – 1re partie

Je suis Richard Paradis, je suis responsable des Affaires commerciales chez Super Channel, le seul service national de télévision payante au Canada. Auparavant, j’ai été chef de cabinet du ministre de Patrimoine Canada, président de l’Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films et je donne des cours sur la politique de communication et les industries culturelles dans une université.

 Fraser. Pouvez-vous nous parler de l’évolution des politiques fédérales et provinciales au Canada et au Québec ainsi que des programmes de subventions qui les accompagnent? À votre avis, la politique cinématographique canadienne, a-t-elle réussi à développer une industrie du cinéma?

 Paradis. Il y a toujours eu, au Canada anglophone, un problème systémique à l’égard des films canadiens. Au Canada francophone, c’est une tout autre histoire. Les films québécois ont beaucoup de succès; chaque année, le cinéma québécois recueille entre 18 et 20 % des parts de marché. Sur le marché, le cinéma québécois supplante souvent les films américains. On parle donc de deux marchés différents, de deux réalités distinctes. En termes de politique, au cours des 40 dernières années, nous avons tenté d’élaborer des politiques pour aider l’industrie cinématographique canadienne. Nous en sommes arrivés au stade où tout, ou presque, est au point mort. Depuis trois ou quatre ans, tout le monde demande au gouvernement fédéral d’investir plus d’argent dans la production de longs métrages, mais on n’obtient rien. Les budgets augmentent, la concurrence augmente.

 Donc, du point de vue du Canada, nous devons une fois de plus analyser les politiques avec pour objectif d’obtenir plus de financement pour aider l’industrie : non seulement pour produire de meilleurs films ou des films plus commerciaux, mais aussi pour obtenir un financement qui irait à la commercialisation des films, pour que nous puissions faire savoir aux Canadiens que ces films existent. Au Québec, il y a constamment des changements et des améliorations dans tous les domaines, qui aident le cinéma québécois à se développer. Question de budget, ce qui revient à dire que nous avons des gens qui peuvent attirer le public vers les salles de cinéma.

 F. Qu’est-ce que la SODEC et quel rôle joue-t-elle dans la situation que vous venez de décrire?

 P. Il y a toujours eu des politiques et certains outils culturels mis sur pied au Québec, qui ont été repris par le gouvernement fédéral parce que le Québec estimait qu’il devait protéger son patrimoine culturel, la langue française et tout le reste. Il s’est donc doté d’outils qu’aucune autre province ne possède. La SODEC en est un bon exemple. Au cours des 25 dernières années, elle a appuyé le développement des industries culturelles, que ce soit l’industrie du livre, de la musique ou du cinéma. Son rôle ressemble un peu à celui de Téléfilm Canada. Mais elle possède beaucoup plus de facettes en termes de secteurs culturels. La SODEC est un organisme unique, elle joue un rôle très important parce qu’elle complète tout le financement qui est disponible à l’échelle fédérale. Ce qui revient à dire que nombre de secteurs de l’industrie peuvent être développés, aussi bien dans le cadre de l’industrie du livre, de l’industrie de la musique, des longs métrages ou même de l’industrie de la télévision. Toutes ces industries ont bénéficié de la création de la SODEC.

 F. Combien d’argent a-t-elle?

 P. Environ 60 millions de dollars par an.

 F. C’est le fonds le plus considérable du pays. L’Ontario a beaucoup moins d’argent.

 P. Si on tient compte de la proportion de la population, oui, en effet, il est considérable. Nous devons aussi garder à l’esprit que les gens qui travaillent au Québec travaillent en français, ce qui restreint la portée du marché qu’ils peuvent atteindre. Il n’en reste pas moins qu’ils sont dans une bonne position parce qu’ils bénéficient de deux niveaux de financement. Alors que si vous êtes producteur en Ontario, essentiellement, la seule source de financement à laquelle vous allez avoir accès, c’est le gouvernement fédéral, exception faite des crédits d’impôt.

Richard Paradis – 2ème partie