Michael Spencer, 2ème partie: Formation de l'Armée canadienne et du film Unité de photographie
Interviewed by Fil Fraser at Montréal on Juillet, 2010
Fraser. Comment avez-vous fini par travailler à l’Unité de film et de photographique de l’armée canadienne?
Spencer. C’était parce que j’avais été mobilisé. J’avais 21 ans ou à peu près. Grierson avait accepté qu’aucun des hommes de l’Office du film ne soit mobilisé. Mais quand je l’ai rencontré pour la première fois, on était tous captivés par la façon dont les Allemands avaient fait tous ces films fantastiques. Plus particulièrement, ils avaient une très bonne caméra qui était bien meilleure que tout ce que nous pouvions avoir. J’ai fait savoir que je voulais aller voir ça de plus près. Pendant longtemps, rien ne s’est passé, puis j’ai été appelé. (Je ne sais pas s’il avait été mis au courant.) Bref, j’ai fini ma formation militaire, on m’a mis dans un train et on m’a envoyé à Halifax, puis on m’a mis dans un bateau. Le deuxième ou le troisième jour, je me promenais sur le pont et je tombe sur qui? Sur John Grierson? Qu’est ce que lui faisait là?
Il m’a dit qu’il partait prendre des photos. Vous comprenez, il avait rédigé un article de la Loi nationale sur le film qui stipulait que l’Office national du film était responsable de toute la photographie. Il est donc allé en Angleterre et il a obtenu une entrevue avec le général Montague qui lui a dit d’aller se faire voir. Il a dit à Grierson que peut-être sa petite caméra convenait aux civils, mais qu’il n’allait assurément pas diriger l’Unité de film et de photographie avec ça!
Grierson est donc retourné au Canada et a mis sur pied l’Unité de film et de photographie avec 4 personnes. Jack McDougall qui écrivait habituellement les scénarios de documentaire et un caméraman britannique qui s’appelait George Noble, un homme qui savait vraiment raconter les blagues (le général avait tellement été impressionné par George Noble qu’il ne partait pas passer les troupes en revue sans s’assurer d’abord que Noble était là avec sa caméra), puis il y avait un jeune homme qui s’appelait Alan Gregson et il y avait moi. Nous formions donc l’Unité de film et de photographie de l’armée canadienne. L’autre jour, ils m’ont remis un prix, je suis l’un des quelques survivants de l’Unité de film et de photographie de l’armée canadienne.
F. Nous avons récemment perdu Chuck Ross, il faisait partie de cette unité. Est-ce que vous avez rencontré les légendaires correspondants de guerre comme Matthew Halton et Peter Stursberg?
S. Oh oui, et Ross Munro. Oui, bien sûr. Je regrette de ne pas m’être rappelé Peter Stursberg qui était le père de Richard (il fait référence aux années très controversées de Stursberg à la CBC et à son départ soudain de son poste de chef de la programmation en anglais en 2010, au moment où a lieu l’entrevue).
F. Qui vit sa propre aventure maintenant. Oh, Ross Munro, je me souviens qu’il avait été rédacteur en chef de l’Edmonton Journal pendant un certain temps.
S. Il y avait aussi un homme qui s’appelait L.S.B. Shapiro. Je ne sais pas pour quel journal il travaillait. Oui, on les a rencontrés.
F. C’était vraiment une époque de légende.
S. Les responsables des relations publiques devaient promener tout ce monde. On leur a donné des jeeps et ils portaient un uniforme avec un petit insigne qui disait correspondant de guerre. Ils étaient sous la responsabilité du commandant de l’Unité de film et de photographie qui, lui, était responsable des relations publiques. Donc, oui, j’en ai rencontré quelques-uns. Ross Munro est celui dont je me souviens le plus.
F. Est-ce que vous avez pris part à l’action? Avez-vous été envoyé au front?
S. Non. Je devrais reformuler cela. Anciens Combattants Canada m’a octroyé récemment une pension, expliquant que j’avais pris part aux combats. Je suppose que d’une certaine façon, je faisais partie de l’armée en termes d’agression; à plusieurs reprises, il y a eu des obus qui ont été tirés et qui sont retombés un peu partout autour de nous, mais ce n’était rien de grave.
F. Donc, après la guerre, vous êtes revenu au Canada et vous y avez élu domicile?
S. Oui, je m’étais marié une première fois avec un officier du Service féminin de l’armée canadienne. Je suis donc revenu avec elle et nous nous sommes installés à Ottawa. Et bien sûr, je suis allé travailler à l’Office du film parce qu’on m’avait offert un très bon emploi.
F. Vous ne pensiez pas du tout à ce moment-là à retourner en Angleterre.
S. Pas du tout. Principalement parce que, bien sûr, j’avais été avec ces hommes pendant la guerre. L’Unité de film et de photographie a fini par vraiment devenir un gros service et j’étais tout le temps avec des Canadiens. Je crois que je suis devenu canadien par osmose, avec tous ces contacts que j’avais avec les Canadiens. Quand je suis revenu à l’Office du film, il m’a semblé que c’était devenu plus administratif. Je n’étais pas déterminé à tout prix à faire des films. J’étais beaucoup plus déterminé à aider mon ami Jim Beveridge, qui était directeur de la production, à l’aider à lancer des projets. Je me suis intéressé à l’administration et j’ai fini par devenir producteur. En réalité, je ne crois pas que j’ai tourné un seul film à part un ou deux documentaires. Je me considère donc comme un bureaucrate culturel, peut-être que vous aussi Fil, vous vous considérez comme un bureaucrate culturel (gloussements).
F. En fait, j’ai travaillé dans les deux camps comme vous le savez. Je peux vous dire celui que je préfère.
S. Un peu avant, on parlait de Stursberg. La démarcation est vraiment mince entre d’une part, les exigences fixées par le financement du gouvernement et les buts du gouvernement, et d’autre part, les exigences du public. Après tout, si vous êtes réalisateur, vous voulez que les gens soient en mesure de voir votre film, non?