Gary Maavara, 3ème partie: Intégration verticale et ré-imaginer les médias Industries

Interviewed by Fil Fraser on Juin, 2011

Fraser. Nous sommes à présent à un moment décisif. Nous sommes face à un gouvernement ayant un mandat clair pour faire ce dont il a envie, un président du CRTC appelant à une restructuration du système réglementaire en ce qui concerne la radiodiffusion, et à Téléfilm qui est toujours en train de chercher des moyens de commercialiser des films tels que Barney's Version pour une meilleure rentabilité. Que faisons-nous pour tirer profit des avantages dont vous parlez ?

Maavara. Nous avons un dicton dans le métier qui dit qu’un problème bien défini est un problème déjà à moitié résolu. Une partie du problème du processus de développement des politiques à présent, et c’est ce que nous avons souligné auprès du gouvernement et du président du CRTC, est que nous faisons preuve de trop d’étroitesse d’esprit dans nos présentations. Le CRTC se retrouve avec 1000 points de vue différents. Tout le monde dit « Voilà ce que je pense que vous devriez faire ». Cela n’éclaire pas plus le CRTC sur la vérité. Ce que le gouvernement devrait faire, c’est nommer un panel d’experts qui devront se consacrer quelques mois à huis clos à évaluer les problèmes tels qu’ils sont réellement. A la fin de ces quelques mois, ils seront à même de mettre quelque chose sur la table, et nous pourrons alors dire s’ils ont ou non raison.

F. Presque comme une nouvelle Commission Caplan-Sauvageau.

M. Exactement. Nous pourrons alors, dans ce contexte, décider quelle direction prendre, car une grande partie de ce débat, et c’est ma grande préoccupation, est ce que j’appelle un « Débat façon Twitter ». On ne peut définir l’essence d’un problème avec un Blackberry. Une partie du problème d’une analyse superficielle est la tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain. Beaucoup d’éléments du régime règlementaire canadien sont encore pertinents, et notamment un financement public valable. Nous ne pouvons pas fonctionner correctement sans le financement public au Canada. La vraie question est de savoir comment nous l’utilisons. Mais il y a d’autres enjeux : par exemple, qui devrait être autorisé à faire de la programmation. 

Corus est l’un des plus grands producteurs au Canada et nous sommes dans un créneau très particulier. Parallèlement à cela, nous sommes limités dans notre capacité à faire la programmation par la réglementation. Nous ne pouvons tout simplement pas utiliser nos propres programmes sur nos propres chaînes car il y a une limite sur le nombre de productions indépendantes que nous sommes autorisés à faire. C’est ce que je voudrais dire par être stratégique. Nous ne suggérons pas ici que la communauté de production indépendante doive disparaître : quand je me penche sur ma propre histoire, nous avons fait de grandes productions dans tout le pays. Second City est née de la télévision locale. Nous regrettons le fait que nos chaînes de télévision locales ne reflètent plus autant la nation qu’elles ne le faisaient auparavant. Cela est dû à la réglementation. Nous avons créé une structure réglementaire qui a coupé court à la volonté de produire de manière locale, et tout cela au nom de l’indépendance.

F. La situation dans les années 1980, quand Second City a été produite, était très différente de la situation actuelle. Il n’y a plus aucune chaîne de radio ou de télévision aujourd’hui en Alberta dont la propriété soit locale. La Commission Caplan-Sauvageau, dont j’ai fait partie, a recommandé la division entre diffuseur et contenu.

M. Je ne suis pas d’accord avec ça.

F. Oui mais quel a été l’impact de l’intégration verticale ?

M. L’intégration verticale est bonne. Il y a beaucoup de folklore au Canada concernant le « système ». Le fait est qu’au Canada, pour faire un bon film, il faut avoir entre 2 et 30 millions de dollars. Suggérer que la seule façon dont nous pouvons faire ces films est par le biais de petites entreprises familiales, est simplement idiot. Si vous jetez un coup d’œil au sud de notre frontière, sans conteste le lieu le plus important qui produit des histoires de tout acabit....ces histoires sont créées dans les studios d’Hollywood. Les gens voient les studios d’Hollywood comme des lieux physiques, mais les studios d’Hollywood sont en fait des banques. Ils constituent simplement des réserves d’argent. Ils passent leur temps et leur argent à évaluer des idées. Le studio d’enregistrement est sans doute l’élément le plus accessoire d’un studio d’Hollywood. C’est l’étape finale de tout le processus. 

Il nous faut faire cela au Canada. Il nous faut créer ces réserves d’argent. Un des problèmes auquel nous avons été confrontés au Canada est que les gens n’ont pas pu faire d’erreurs. Cela peut paraître stupide. Les producteurs canadiens ne peuvent pas faire d’erreurs car ce serait fatal pour leur entreprise. Aux Etats-Unis, un producteur peut faire six « bides » puis deux perles. Et c’est ce que nous devrions pouvoir faire. Nous devons créer cette force. Pour en revenir à votre argument concernant l’appropriation par les acteurs locaux…..la propriété ne détermine pas forcément la capacité à dire des histoires locales. Je citerai pour exemple notre station de radio à Edmonton, CHED, qui fait des histoires locales. Nous ne leur dictons pas ce qu’ils doivent faire. Ils doivent être locaux. Et s’ils ne sont pas locaux, personne ne les écoutera.

F. Comment les producteurs peuvent-ils créer un environnement où les banquiers et les réserves d’argent suivront ?

M. De multiples façons. Cela me semble intéressant de constater que, si vous vous penchez sur le programme de ce Festival de Banff, et ce n’est pas une critique car je pense que c’est un endroit fabuleux, il n’y a pas assez de débats : il y a des séminaires sur la manière de développer des idées, des séminaires sur le moyen de trouver des financements et des marchés. Mais il n’y a pas un seul séminaire sur la façon de diriger une entreprise ou de gérer les intellectuels qui créent la propriété intellectuelle. Il n’y a pas non plus de session sur le développement organisationnel. 

L’une des raisons pour lesquelles je dis cela c’est que, que vous soyez un producteur indépendant ou non, vous êtes en train de développer une entreprise.  Corus, par exemple, est une société qui réussit très bien grâce à son comité de gestion. Nous passons probablement 40% de notre temps à parler de problèmes de personnes. Nous avons, au sein de notre société, des institutions telles que l’Université Corus, grâce à laquelle notre personnel a accès à des professeurs de plusieurs universités ou à des experts. Nous avons des cours toutes les semaines chez Corus. Nous offrons aussi des formations sur les enjeux en matière de ressources humaines, sur les régimes de compensation, sur les démarches à faire si vous êtes malade. Nous voulons que les intellectuels soient à même de faire ce que nous avons besoin qu’ils fassent. 

Peu de producteurs peuvent se permettre de faire cela. Ils se battent pour pouvoir faire leur film et dès que le film est fini, toutes les personnes qui y ont contribué disparaissent dans la nature. Elles doivent trouver un autre travail. Point numéro un. Nous devons créer une infrastructure de production soutenue par des réserves de capital-risque. En d’autres termes, nous avons besoin de sociétés comme Corus, qui créent des films, mais peut-être 10 d’entre elles. Sur l’aspect distribution, je ne pense pas que cela fasse une grande différence si Rogers distribue du contenu ou non. Dans le bon vieux temps, ils produisaient tout le contenu.

Gary Maavara, 4ème partie: Capital d'investissement et de la révolution numérique