Naked Frailties, Commentaire

Voici l’histoire d’un programme de cinématographie, offert par un tout petit collège communautaire,  qui a fini par produire un film vraiment intéressant. Naked Frailties fut tourné en 1988 par le personnel enseignant et les étudiants de Red Deer College, pour la somme de 30.000$. On a sélectionné le film pour cinq prix AMPIA et un prix Leo (octroyé par la Motion Picture Arts and Science Foundation of British Columbia), et il a été diffusé sur les chaînes Showcase, Bravo, SCN, CLT et Access.

C’est grâce en majeure partie à la direction de Larry Reese, metteur en scène et co-scénariste du film, que le programme de cinématographie de Red Deer College a si bien réussi. Reese lui-même est un acteur expérimenté, qui a joué dans 25 films et programmes à la télé, dont Brokeback Mountain, Hounds of Notre Dame, Unforgiven, North of 60 et Lonesome Dove.

Naked Frailties se base sur la prémisse qu’il est possible de se perdre dans la poursuite de nos projets et nos rêves. Cette perte de contact avec le réel peut être mortelle, comme c'est le cas pour deux jeunes acteurs inscrits dans un cours de théâtre au collège. L’enseignant, Monsieur Stuart (joué par John Treleaven) distribue les rôles de Macbeth et naturellement, tous les étudiants sont très désireux d’y participer. Mais deux étudiants en sont particulièrement obsédés: Ross (Travis Woloshyn) et Liz (Reagan Dale Neis) sont des amoureux en dehors de la classe, et cherchent désespérément à obtenir les deux rôles principaux. Nous voyons Ross pour la première fois, seul au théâtre, en train de répéter les répliques de Macbeth.  Mais l’intensité de sa petite amie, Liz, dépasse même la sienne, car la volonté de celle-ci de devenir Lady Macbeth frôle la psychose.

Comme on l’aurait pu prévoir, au moment de l'audition, on leur a préféré d’autres acteurs. Par un excès de répétition, Ross finit par se tromper dans ses répliques, et M Stuart lui propose de devenir assistant au metteur en scène. Liz se voit court-circuitée en faveur de Helen (Fiona O’Brian), sa rivale. Nous les spectateurs ne comprenons la mesure de la compétitivité de Liz, qu’au moment de voir son comportement dans un bar un peu plus tard. Helen et deux autres actrices montent sur scène pour chanter comme choristes à côté d’une chanteuse professionnelle, qui est au milieu de sa chanson. En voyant Helen sur scène, Liz tient à s’installer à côté de la professionnelle à son tour, pour chanter en duo.

Ross, quant à lui, commence à avoir des hallucinations – trois vieilles sorcières hantent ses jours et ses nuits. Il est terrifié de se voir transformer en Macbeth. Il essaie d’avertir Liz, mais elle ne comprend pas sa peur. Elle veut absolument se venger sur M Stuart de les avoir refusés. Lors d’une fête, elle lui offre une boisson additionnée d’un narcotique.  Face au refus de l’enseignant de boire avec son étudiante, Liz prend la boisson elle-même, fait semblant d’être victime de sa tentative de viol, puis simule une réaction hystérique. Elle réussit, certes, à détruire la carrière de M Stuart, mais au prix de son propre équilibre mental. Elle se voit hospitalisée, où elle ne se ranime que lors des visites de Ross, or lorsque son infirmière lui parle du théâtre.

Mais Helen finit par quitter la scène en colère, et l’acteur qui a gagné le rôle de Macbeth, Benjamin (Terry Ladd), est tué dans un accident. La fortune veut que Ross et Liz jouent enfin ces rôles. Les deux donnent l’interprétation de leur vie – mais à quel prix? Liz finit par s’effondre et doit retourner à l’hôpital.  Au sortir du spectacle, Ross se voit attaqué par deux étudiants qui le laissent gravement blessé.

Ce film est une façon très originale d’aborder Shakespeare en costume moderne. Non seulement Reese donne à la pièce un langage et un décor du vingtième siècle, il veut aussi que Macbeth envahisse la vie des acteurs. Il rend floue la distinction entre la réalité et l’illusion de façon très innovatrice. Les étudiants-acteurs sont conscients de ce qui leur arrive, mais semblent incapables de s’en sortir. Lady Macbeth devient folle, pour de vrai. Banquo meurt, en fait. Macduff finit par voir les sorcières de Macbeth. Chose intéressante, les enseignants semblent ignorer à quel point la vie est en train d’imiter l’art.

Naked Frailties n’est pas sans ses défauts. L’acharnement presque démoniaque de Liz pour obtenir le rôle de Lady Macbeth est quelque peu exagéré, de même que la cécité apparente du personnel et de la direction du collège face aux événements. Pourquoi donc est-ce que ceux-ci permettent que le spectacle continue? Ça et là, le dialogue sonne faux, et les effets spéciaux sont parfois kitsch. Mais la prémisse est tellement captivante, et l'effet d'ensemble d'une qualité si remarquable, que ses points faibles comptent peu.

Evelyn Ellerman