Fish Tale Soup, Commentaire

La comédie romantique Fish Tale Soup (1997) raconte les tentatives désespérées d’une femme pour concevoir un enfant. Ironie du sort, Vivi (Kathleen Lasky) travaille à la fourrière; parmi ses tâches, celle de faire piquer les animaux quand il n’y a plus beaucoup d’espace. Son rôle d’exterminatrice du royaume animal l’a rendue blasée et elle offre aux animaux une dernière cigarette avant de finir par la fumer.

Le mari de Vivi, Paul (John Jarvis), n’est pas tellement certain de vraiment vouloir un enfant. Il est musicothérapeute auprès d’enfants sévèrement handicapés et il s’inquiète secrètement des gestes qu’il poserait si jamais son enfant était handicapé. En raison de compressions budgétaires, Paul voit son emploi menacé à moins qu’il ne puisse présenter aux administrateurs de l’établissement où il travaille un concert au cours duquel ses élèves feront la démonstration de leurs prouesses musicales. Bien sûr, tel n’est pas le but de la musicothérapie, mais Paul se sent tellement impuissant face à ce qui passe à la maison qu’il accepte d’organiser le concert.

Paul et Vivi viennent tout juste d’emménager dans un édifice presque abandonné. Ils ont décidé de passer les dix prochaines années à le retaper, et ce, même si Paul ne s’y connait pas du tout en rénovations. Entre temps, chaque surface de la maison a été repeinte avec des couleurs vives et le tout ressemble à la vie dans un récif corallien. Partout, il y a des dessins de poisson, au plafond, sur les murs, les meubles. Et dans chaque pièce, il y a un aquarium dans lequel nagent des poissons vivants. Tous les poissons ont un nom.

Vivi passe sa vie entre le travail (où elle est entourée d’êtres vivants qui attendent la mort), la maison (où elle est entourée de représentations peintes de la vie) et la clinique de fertilité (où elle est entourée de promesses artificielles de vie). Certains des moments les plus drôles du film se déroulent d’ailleurs dans la clinique. Le médecin traitant de Vivi est convaincu que la science permettra de remédier à l’incapacité de Vivi de concevoir, il s’agit tout simplement de déterminer quelle sera la bonne procédure artificielle. Il se désintéresse totalement de Vivi, l’être humain; elle n’est qu’un rouage de l’évolution des méthodes scientifiques. Vivi est très motivée, elle est prête à se faire triturer, piquer, mesurer, à analyser tableaux et graphiques, mais Paul, quant à lui, est réticent à continuer. Il aime sa femme, mais il commence à se dire qu’il est devenu un rat de laboratoire.

Au beau milieu de cette impasse débarque Marcus, un ange, joué de façon tout à fait charmante par Rémy Girard. Prétendant être un réfugié d’origine incertaine à la recherche d’un asile, Marcus s’insinue dans la vie de Vivi et Paul, et s’installe chez eux. Il prépare de délicieux plats pour eux alors que les poissons commencent mystérieusement à disparaitre de leur aquarium. Pour le public, il est clair que le rôle de l’ange Marcus est de favoriser la conception. Il prépare des potions d’amour, il fait don à la clinique de fertilité de sperme, il montre en vitesse à Vivi les photos de tous ses « enfants ».

Les histoires qui font intervenir des anges sont courantes dans les longs métrages. Il y a les anges qui se servent du monde des êtres humains pour régler leurs comptes d’un autre monde (The Prophecy, 1999), il y a les anges qui luttent pour protéger le monde de la destruction (Dogma, 1999), il y a ceux qui sont motivés par leur intérêt personnel (Ghost, 1990) et il y a ceux qui viennent aider les autres (Bogus, 1996). Marcus fait partie de ces derniers. Il intervient à un moment où la relation de Paul et Vivi traverse une crise et il finira par redresser la situation.

Les talents de Rémy Girard ne sont malheureusement jamais pleinement exploités dans ce film. Comédien au talent remarquable, Rémy Girard a été mis en nomination neuf fois aux prix Génie, remportant le prix quatre fois pour son rôle dans Les portes tournantes (1988), Jésus de Montréal (1989), Amoureux fou (1991) et Les Invasions barbares (2003).

Le film est parsemé de bons moments, notamment ceux qui se concentrent sur les tentatives de plus en plus étranges et loufoques de Vivi d’être en accord avec n’importe quelle force cosmique qui lui permettra de concevoir. Toutefois, tous ces moments disparates ne parviennent pas à se rejoindre pour déboucher sur une histoire qui permet au public de se sentir concerné par ce qui arrive au couple.

Kathleen Lasky gère de façon magnifique les scènes humoristiques discrètes; son visage plastique et son sens du rythme font en sorte que les spectateurs s’intéressent à ce qui se passe à l’écran. Rémy Girard joue l’ange avec juste ce qu’il faut de mystère excentrique; le public est continuellement pris par surprise et essaye de deviner les prochains gestes qu’il va poser. Il y a cependant tellement de moments décousus dans le film qu’on a le sentiment qu’on a raté de belles occasions. Le film n’explique jamais la raison pour laquelle Vivi est tellement déterminée à concevoir et la visite tout à fait gratuite de ses parents n’ajoute rien à l’intrigue. Le décor de la maison et les aquariums auraient pu être expliqués ou rattachés à l’intrigue d’une façon ou d’une autre, mais ils ne le sont jamais. Sont-ils censés nous faire penser au sperme? Quant à l’ange, il semble hésiter entre manger les poissons tropicaux et les ressusciter dans du champagne. Pourquoi? Son livre de « recettes » censé renfermer la clé de son comportement et peut-être même de sa présence dans la maison est passé sous silence. Quant à la

« Fish Tale Soup » du titre, Vivi en mange à peine et elle ne se rattache jamais proprement à la thématique du film.

Annette Mangaard, connue surtout pour sa réalisation de documentaires, est à la fois scénariste et réalisatrice de Fish Tale Soup qui marque sa première incursion dans le long métrage.

Evelyn Ellerman