Everything's Gone Green, Commentaire
Pour tout romancier, faire la transition de l’écriture pour la page à l’écriture pour l’écran n’est pas forcément évident. A la différence de leur rôle dans un roman, le dialogue et l’image sont la force motrice d’un film. La tâche est plus facile pour un auteur comme Douglas Coupland, qui est déjà maître du dialogue, et dont la formation comprend l’étude des arts graphiques. Le réalisateur Paul Fox et Douglas Coupland en tant que scénariste forment une belle équipe dans la création de la comédie romantique de 2006, Everything’s Gone Green.
Partant de la prémisse qu’une belle vie se construit à partir de "petits rêves modestes mais réalisables", Coupland nous présente un protagoniste qui est loin d’avoir saisi ce principe. Dans ce ‘film d’apprentissage’, Ryan (joué par Paul Costanzo) travaille dans l’informatique, dans un bureau à cloisons, dans quelque tour de bureaux à Vancouver. Frôlant la trentaine, il est dépourvu d’enthousiasme pour son travail et il manque d’objectifs. Pendant les premières minutes du film, il perd et son emploi et sa petite-amie. Coupland libère ainsi son personnage des contraintes sociales habituelles, et on s’attendrait à ce que le héros parte en aventure. Mais l’époque des épopées est révolue et, pris au XXIe siècle, Ryan est déboussolé – et presque tous les chemins qui se présentent le mènent en bas….
Peu après, il s’avère que cette question du compas moral peu fiable, c’est dans la famille. Ryan reçoit un appel de la part de sa mère qui lui annonce que son père a également perdu son emploi – mais qu’il vient de gagner la loterie. Le problème est que le billet a disparu; on demande à Ryan de venir en aide à le chercher. Pendant les fouilles qui s’ensuivent, il devient clair que, tout comme son fils, le père détestait son emploi, et ne sait pas comment passer son temps maintenant qu’il en est libéré. C’est comme si son emploi constituait son repère éthique. Ryan finit par trouver le billet, mais malheureusement la famille s’est trompée: ce n’est pas le numéro gagnant. Les parents sont maintenant à la dérive; la mère se plaint de la présence constante de son mari nouvellement oisif et malheureux. Le père se perd en rêves d’argent facilement gagné par des ventes pyramidales. Quelques semaines plus tard, Ryan est bouleversé de découvrir que ses parents sont déjà passés de la vente de crèmes pour la peau à la culture de la marijuana, maintenant installée au sous-sol de la maison familiale. Loin de lui fournir un exemple moral, il est évident que les parents sont encore moins bien ancrés que leur fils.
Puisque Ryan est maintenant au chômage, son frère Alan (Aidan Devine) lui trouve du logement gratuit dans un appartement inoccupé, qui fait partie d’un immeuble en copropriété dont il est le concierge. Les propriétaires de ces appartements vides sont des résidents richissimes de Hong Kong, qui les avaient achetés à l’époque du rapatriement de cette île à la Chine communiste, mais qui ne sont jamais venus habiter à Vancouver. Quand même, le prix de l’immobilier est par conséquent hors d’atteinte pour la plupart des habitants de la ville. Ryan est chanceux de pouvoir occuper un immeuble luxueux, et bientôt il se trouve un nouvel emploi: Kevin (Peter Kalamis), celui qui a donné à Ryan la mauvaise nouvelle au sujet du numéro du billet de loterie, offre à Ryan du travail comme intervieweur des vrais gagnants, pour sa revue, Winners. Au début, ce travail plaît beaucoup à Ryan, car les gagnants sont ravis de leur nouvelle richesse. Il rêve d’avoir la même chance. Mais avec le temps, il est évident que le bonheur des gagnants ne dure pas, et au bout d’un an, leur avidité aboutit en une vie de misère.
C’est pendant cette période que Ryan fait la connaissance de Ming (Steph Song). En réponse à une nouvelle à la radio au sujet d’une baleine échouée, Ryan descend sur la plage pour voir la bête, peut-être la photographier. Une foule curieuse s’y est déjà rassemblée, et Ming finit par cacher par inadvertance la prise de vue de Ryan. Les deux s’engagent la conversation, et par conséquent, Ryan finit par rencontrer le petit-ami de Ming, Bryce (J.R. Bourne). Celui-ci travaille comme architecte de terrains de golfe, mais c’est un escroc. Cette rencontre fournit à Ryan une autre combine pour s’enrichir rapidement. Bryce demande à Ryan de le contacter chaque fois qu’il entend parler d’un nouveau gagnant. Bryce offre à chaque gagnant la possibilité d’échanger son billet pour de l’argent liquide. De cette façon, Bryce fait blanchir de l’argent illégal pour des gangsters asiatiques. Ryan est très bien payé pour sa complicité dans ce plan, et il acquière bientôt un veston en cuir véritable et une voiture de sport jaune vif. Malgré ses sentiments de culpabilité, il se justifie ses actions en se disant que les gagnants reçoivent quand même leur argent.
Une telle situation ne peut pas durer. D’une manière typique de Coupland, une fois que le héros commence à se comprendre et à se trouver une place, l’intrigue arrive à sa conclusion. Car Ryan comprend qu’il est tombé amoureux de Ming. Elle l’a invité chez elle pour rencontrer sa Mémé (Chiu-Lin Tam). Les deux femmes habitent un simple petit bungalow, tout heureuses. Ryan plaît à Mémé, et tous les trois prennent plaisir à visiter des lieux et à passer du temps ensemble. Ming dit à Ryan que, quoiqu’elle aime bien son travail dans l’industrie du cinéma de Vancouver, elle préférerait faire "quelque chose d’authentique". Puis, devant la nouvelle que Ming a rompu avec Bryce parce qu’elle ne peut pas être fidèle à elle-même avec lui, Ryan se rend compte que lui aussi il risque de la perdre s’il ne s’amende pas. Une vie passée avec Ming et Mémé est devenue pour lui son "petit rêve modeste mais réalisable".
Everything’s Gone Green a gagné le prix du meilleur long métrage canadien lors du Vancouver International Film Festival de 2006. Il fut sélectionné pour huit prix Leo en 2007, et en a gagné deux, dans les catégories de Long métrage dramatique et de Scénario d’un long métrage dramatique. Le film a également gagné le prix du Vancouver Film Critics Circle dans la catégorie du Meilleur acteur dans un rôle secondaire dans un film canadien (attribué à J.R. Bourne).
Evelyn Ellerman