Eve & the Fire Horse, Commentaire

Le film demi-auto-biographique de Julia Kwan, Eve and the Fire Horse (2005 est une belle exploration du destin et de l’identité. C’est à travers les expériences de deux enfants, Ève (Phoebe Jojo Kut), qui a neuf ans et sa sœur aînée Karena (Hollie Lo), que l’auteure-réalisatrice Kwan examine les relations des deux religions, le christianisme et le bouddhisme en les préparant à affronter la vie. En faisant cela, Kwan évite l’approche rebattue «Qui croyez-vous être?» du conflit de culture. Elle se concentre plutôt sur la question de savoir comment nous croyons ce que nous croyons.

Ève et Karena sont des canadiennes de première génération. Leur grand-mère (Ping Sung Wong) fournit  le centre spirituel de la maison. Grand-mère croit en la chance, en faisant une offrande de trois tasses de thé chaque jour au sanctuaire familial pour assurer que les esprits veillent favorablement sur eux. Leur père, Frank Eng (Lester Chan), travaille comme cuisinier. Il est connu pour n’avoir pas de chance. Tandis qu’il lutte pour subvenir à ses besoins, son frère, Oncle No 8 (Joseph Sin Kin Hing) est devenu un riche propriétaire. La mère des filles, May Lin (Vivian Wu) travaille dans une laverie. C’est une femme pratique qui ne croit pas aux esprits ni à la chance. Un jour, elle abat un pommier dans leur jardin. C’est cet événement qui déclenche une série de malchances pour la famille Eng, poussant les deux filles sur un terrain métaphysique chancelant.— quels dieux doivent-elles supplier pour enlever ce qui semble être une malédiction familiale?

Les choses commencent à se défaire pour la famille Eng au soixante-dixième anniversaire de la grand-mère. Oncle No8 manque de s’étouffer mortellement avec les nouilles spéciales  de ‘longue vie’ faites pour cette occasion. Ensuite, May Lin fait une fausse couche et sombre dans une profonde dépression. Grand-mère  est obligée de prendre en main toute la maison. Un jour elle offre d’arroser le jardin pour Ève dont c’est normalement la tâche. Cependant grand-mère  épuisée subit une attaque de cœur et meurt. Après les funérailles son fils Frank est choisi par la famille pour ramener en Chine les cendres de grand-mère.

La liste des calamités dirige les filles vers leur voyage spirituel. Le père est au loin pour plusieurs semaines. Grand-mère est morte. Mère est disposée à faire tout ce qui est possible pour réparer le dommage qu’elle a causé en abattant le pommier. Elle commence à verser du thé pour le sanctuaire familial. Elle commence à méditer. Elle accompagne les filles au film  Dix Commandements. En sortant du cinéma, elle remarque que Jésus vous enseigne à être une meilleure personne, tout comme Confucius.  Quand les filles lui demandent d’accepter des objets  religieux chrétiens dans la maison, elle accepte, en disant que ça ne pourrait pas faire de mal d’avoir deux dieux dans la maison. D’autre part, elle a entendu que les enfants chrétiens sont plus faciles à contrôler.

La romance des sœurs avec le christianisme commence  avec une visite de missionnaires Gideon dans leur maison. Ils laissent aux filles un livre qui s’intitule  Living Together in Heaven on Earth. La couverture montre des enfants de toutes nationalités se donnant la main. Karena est captivée par la notion de rédemption  selon laquelle, si vous faites du bien dans le monde, vous pouvez changer votre destinée. Ève s’associe  aux explorations de sa sœur.  Principalement par sentiment de culpabilité d’avoir causé la mort de grand-mère. Les filles joignent l’école catholique du dimanche et se préparent au baptême. Elles forment un club appelé ‘Girls of Perpetual Sorrow (fille de la douleur perpétuelle)’. Leur tâche consiste à aider les personnes âgées, donner tout l’argent de leur anniversaire aux pauvres et regarder toutes les quatorze heures du téléthon de Jerry Lewis jusqu'à ce qu’elles deviennent des saintes.  Juste par précaution, Ève prend grand soin de son nouveau poisson rouge qui, croit-elle, est la réincarnation de sa grand-mère. Elles remplissent la maison de toutes sortes d’objets religieux. Jésus sur la croix se tient tout à côté de statues de Bouddha  et de déesses dansantes.

Ève est une enfant précoce, curieuse, née dans l’année du cheval de feu : un signe malchanceux. Les enfants du cheval de feu sont connus pour avoir une forte volonté. Pour cette raison, beaucoup d’entre eux sont noyés à leur naissance en Chine. On dit que les rivières sont gonflées de leurs esprits; Elle s’imagine nageant sous l’eau avec les chevaux de feu. Kwan présente à Ève une exploration spirituelle par le biais d’un réalisme magique. L’imagination active des filles fait revivre les dieux et déesses. Elle imagine Bouddha  et Jésus valsant ensemble comme des amis dans leur salon.  Après qu’à l’école du dimanche une fille a dit que celui qui n’est pas chrétien ira en Enfer, Ève va à la cuisine trouver une déesse sous l’évier, tenant une clé à tuyau.  La déesse la regarde et dit qu’elle n’a pas trop envie de danser ces jours-ci (la famille est si triste), alors elle pourrait aussi bien être productive. Un autre jour, Ève trouve Jésus polissant  d‘un air morose une chaise de bois, tandis que Bouddha inconsolable polit des chandeliers d’argent. Quand Ève demande à la déesse pourquoi elles ne sont plus amies, la déesse prend une longue bouffée de sa cigarette avant de lui répondre qu’il y a des différences irréconciliables. Elle et Bouddha ainsi que les autres  déesses ornant le dessus de cheminée  vont devoir avancer autour de Jésus parce que « il pense qu’il est le seul ici ». Ève se sert de ses observations et de son imagination pour se faire peu à peu une idée  sur qui elle est et quoi croire.

Eve and the Fire Horse a gagné le prix du film canadien le plus populaire au Festival international du film à Vancouver en 2005, le Special Jury Prize for World Cinema Dramatic au Sundance Film Festival en 2006, et quatre prix Les en 2006 pour meilleure réalisation en long métrage dramatique (Julia Kwan), meilleur montage (Michael Brockington), meilleur projet d’exécution (Mary-Ann C.Y.Lin) et meilleur montage  (Gashtseb Ariana,Goron Durity, Velcrow Ripper, et Michael Keeping). En 2007 il a gagné le prix Claude Jutra.

Evelyn Ellerman